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Des étoiles plein les yeux.
11 février 2010

Rêve de pèlerins.

Depuis quelques jours, l'envie de dormir une nuit à la belle étoile à Santiago trottait dans leurs pensées. Cette idée remplacerait celle de prolonger leur Camino jusqu'au Finistère.

Il pleuvait des cordes ce matin de dernière étape à l'approche de Monte do Gozo. Ils sont entrés dans la chapelle afin de s'y abriter et de s'y recueillir. La culbute d'un de leurs bourdons brisa le petit tube en verre qu'il renfermait et le peu de terre qu'il détenait, il fallut l'épandre sur le sol. Le second pèlerin fit de même. Ce sera donc ici, dans cette chapelle, que la terre de chez eux sera déposée.

A l'extérieur, non loin de l'entrée, sous un arbre il gratta le sol afin de récolter et ainsi emporter de la terre de cette Galice tant rêvée. Un autre tube contenant des écrits, leur bouteille à la mer en quelque sorte, fut déposé aux pieds des statues faisant face à Santiago. Ces opérations accomplies ils ont repris la direction de Compostelle, toujours sous la pluie. C'est en vue de la porte des pèlerins que ce gros crachin cessa et que le soleil fit son apparition.

Alors, les nuages se faisant de plus en plus rares avec le défilement des heures, renaissait en eux l'espoir de vivre une nuit à la belle étoile et en fin d'après-midi très haut dans le ciel ils suivirent du regard le passage en formation de quelques grues et seront surpris par le vol d'un faucon pèlerin qui nichait sur les hauteurs de la cathédrale.

La fin de la journée approchait doucement; ils se sont promenés dans les rues animées aux abords de la place et sont retournés à l'intérieur de la cathédrale, ont pris leur dernier repas de la journée dans un petit restaurant.

Par la suite ils ont repris place sur leur banc de pierre face à la cathédrale qui est maintenant illuminée alors que le soleil se couchait du côté du Finistère...Et sans qu'ils ne s'en rendent compte, la nuit s'était invitée. Oui, cette fois s'était décidé, ils dormiraient en cet endroit un peu à l'abri des regards bien que naissait en eux une certaine inquiétude, l'incertitude et la peur de l'inconnu. Pour eux, plus question de faire machine arrière car trouver logement à cette heure avancée devenait problématique alors, ce petit coin de place serait dès à présent leur domaine, leur demeure, leur chez-eux. Il leur restait à s'organiser et emménager. L'un d'eux dénicha quelques cartons, histoire de s'isoler de la pierre.

Un groupe folklorique composé de chanteurs, cornemuse, tambourin, accordéon s'est approché et enflamma le public encore présent sur la place à cette heure tardive. Les gens chantaient, dansaient et cette fête était la bien venue en quelque sorte car elle repoussait dans le temps l'heure un peu redoutée à laquelle ils s'allongeraient et fermeraient les yeux. Bref, l'inconnu.

La fête terminée, ils se sont dirigés timidement vers leur banc en pierre et se sont tant bien que mal allongés ou plutôt adossés à leur sac alors que le froid de la nuit s'abattait doucement sur Santiago. Dans le ciel, les étoiles abondaient.

Il se faisait tard, cette immense place était maintenant désertée, vidée de tous ces touristes et pèlerins. Où se sont-ils tous cachés?

Il était trop difficile pour eux de s'endormir; le passage fréquent de la "guardia civile", le froid, le manque de confort, l'inquiétude, sans doute un peu l'insécurité comment oser fermer les yeux et échapper au conscient. Le vivre c'est comprendre, connaître l'impossible.

Il est 1h15 du matin. En contrebas un bar était encore ouvert et ils décidèrent de s'y réchauffer autour d'un café con leche. Quelle chance! Sa fermeture est prévue à 2h30 ce qui garantirait leur bonheur pour une bonne heure supplémentaire. Le temps est long, ils ont bu deux cafés, apprécié un quartier de "gâteau de St Jacques", regardé la télévision sans la voir, leurs pensées étant sans doute bien loin, peut-être encore sur le chemin. Ils ont assisté au nettoyage du bar, le tenancier a téléphoné à plusieurs auberges afin de leur dénicher un logement mais en vain. Il se faisait très tard ou tôt selon. Ils auraient bien ouvert leur sac de couchage à l'arrière du comptoir et ainsi passer une nuit au chaud mais la fatigue aidant leurs esprits divaguaient et ils ont essuyé un refus de la part du responsable.

Les portes du bar se sont fermées à l'heure dite et ne sachant pas où aller ils ont pour la millième fois posé le sac sur leur dos et ont pris la direction du refuge situé en dehors de la ville à 3km. Même avec un plan en main ils ont éprouvé des difficultés à s'orienter, ils ont rencontré des fêtards qui ont tenté de les aider. Dans leur errance ils sont passés à proximité de la gare et se sont dit:" Si nous avions la chance qu'elle soit ouverte, un banc serait là pour nous accueillir au chaud"... Et bien non, la gare était déserte, portes closes et aucun bancs dans les environs.

Ils se sont une fois de plus remis en route mais avant d'être en vue de ce fameux gîte ils ont encore dû gravir cette longue rue à dénivelé important.

Face au refuge, de l'autre côté de la rue, ils se sont installés sur des bancs de pierre(encore) à l'intérieur du kiosque. Inutile de dire qu'il faisait toujours aussi froid et donc pas la possibilité de tomber dans les bras de Morphée. Par contre au-dessus d'eux le ciel était bien dégagé et parsemé d'étoiles, ce qu'ils avaient rêvé en somme. Vers 6h, profitant de la sortie d'un pèlerin qui lui s'en allait vers le finistère ils se sont introduits dans la propriété et par la suite à l'intérieur du refuge. Enfin un peu de chaleur, toute relative dans cet immense hall d'entrée.

Fatigués, ils ont attendu jusqu'à 8h l'ouverture de l'accueil et enfin bénéficier d'une inscription pour la prochaine nuit. Assis sur les marches du grand escalier ils ont assisté au départ des pèlerins qui prenaient le chemin de la fin des terres.

Finalement leur rêve leur a apporté la connaissance de la rue avec sa froidure et son inconfort, l'incertitude et l'errance pour une seule nuit. Ils ont compris que même étoilée, la nuit, les nuits sont longues très longues, très dures à vivre pour eux, ceux qui n'ont rien et n'ont pas le choix. Ils ont compris ce qu'était le confort d'un lit, la chaleur délivrée par une couverture, le bonheur d'un chez soi.

Vous l'aviez deviné: Ils, c'était nous.

Selon Jacques.   

 

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Commentaires
P
très beau récit de François et de Jacques; avec eux j'ai veillé , j'ai eu froid , j'ai cherché là où conduit l'étoile, j'ai entendu le chant des gaiettas et les cris de la rue, j'ai goûté au cafe con lecche qui réchauffe le cœur,j'ai râlé devant les portes fermées de la gare et du gîte, j'ai espéré la porte qui s'ouvrait, j'ai touché à l'errance d'une nuit qui fait dire que l'on est bien chez soi, je n'ai rien oublié du chemin et de celles et de ceux qui aujourd'hui encore le caressent de leurs pas Pedro del camino
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